Avant-propos : Ce livre m’a été suggéré dans mes
recommandations sur un site de vente en ligne. Je n’avais jamais entendu parler
de l’auteur, mais le résumé et les premières lignes me tentaient bien (voir à la
fin du billet). De plus, il est édité aux éditions Rouergue Noir, ce qui est
plutôt un signe de qualité. Comme le livre était vendu d’occasion dans un état
comme neuf au prix d’un poche, je me suis laissée tenter et j’ai très bien fait.
Mon résumé : Un bébé de six mois est découvert dans une
poubelle devant un immeuble parisien. Cet événement jette le trouble dans le
bâtiment. Les habitants réagissent de manière différente face à ce drame, surtout lorsqu’ils découvrent qu'il s'agit du petit Yanis qui vivait au 2e avec sa mère Leila et sa soeur.
Mon avis : Je pense que c’est la première fois que le titre
d’un livre m’apprend quelque chose. Je ne savais pas ce qu’était l’hexamètre de
Quintilien. Il s’agit d’une liste de questions (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ?
Comment ? Combien ? Pourquoi ?) permettant d’étudier un événement en détail, méthode
bien utile pour faire des résumés et utilisés souvent par les journalistes. Je
connaissais son équivalent, appelé les 5 W(Who ? What ? Where ? When ?
Why ?), mais c’est tellement plus chic de citer l’hexamètre de Quintilien.
Même si le sujet peut paraître sanglant, nous ne sommes pas
ici dans un thriller, ce n’est même pas vraiment un roman policier dans le sens traditionnel du terme (même si à la fin on connaîtra le coupable). Il s’agit
plutôt d’un roman social puisque l'on découvrira au fur et à mesure les
difficultés des habitants de l’immeuble.
Le point fort du livre, selon moi, est que l’auteur a donné
plusieurs voix à son ouvrage. Le narrateur change quasiment à chaque chapitre,
mais ils sont tellement bien différenciés de par le style qu’on pourrait les
reconnaître même si leur nom n’était pas indiqué. Lucie, jeune journaliste
célibataire, sorte de Bridget Jones (rien de péjoratif dans ma bouche, mais
plutôt celle du film que celle du livre), toujours à l’affût d’un scoop, qui n’a
pas trop de chance avec les hommes (et manque parfois de discernement) mais qui
garde un humour à toute épreuve.Celui qui va tenter de la séduire est Marco, le vendeur de
produits high tech, sûr de son charme. C’est la « voix » que j’ai
préférée. J’ai trouvé que l’auteur avait vraiment réussi à se mettre dans la
peau de ce type de personnage « qui s’la joue » comme on dit
trivialement, tout en lui donnant une certaine épaisseur et même en réussissant
parfois à nous le faire apparaître séduisant, tout du moins à comprendre
pourquoi Lucie est attirée par lui. Il y
aussi Pierre, le propriétaire de l’appartement de Lucie, veuf et un peu perdu face à
son fils, Kevin, l’ado rebelle et mutique dans toute sa splendeur. Enfin, il y a Leila la
maman du bébé décédé.
Même si l’intrigue tire principalement vers le drame, il y a
de nombreuses pointes d’humour (parfois noir) comme par exemple quand Lucie aperçoit le corps
du petit Yanis et que la première chose qui lui vienne à l’esprit est qu’elle a
peut-être décroché un scoop. C’est aussi assez drôle parfois de comparer la
vision d’un même événement par deux personnages différents.
La fin a visiblement surpris un certain nombre de lecteurs.
Personnellement, je m’en étais doutée, mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier
le dénouement.
En quelques mots : Encore un auteur français contemporain
à suivre (2 dans la même semaine, j’ai presque atteint mon quota annuel^^). J’ai
vraiment beaucoup aimé la façon dont l’auteur a réussi à se glisser dans la
peau de personnages si différents. Ca semble être le b.a.-ba, mais je l’ai
rarement vu réalisé avec autant de personnages dans le même livre.
Voici l'extrait qui m'a séduite :
Lucie, 3e étage
J'écris le matin. Mes papiers, mais aussi des petits textes qui me viennent comme ça, mes «humeurs», des phrases musicales, des mots au charme désuet ou mystérieux que je jette sur l'écran comme des pierres précieuses dans une malle aux trésors. Gabegie, oecuménique, sibyllin... Tournebouler, faire du gringue ou le joli coeur... C'est ma gymnastique à moi, mon entraînement. J'aime jouer avec la langue.
Le matin, c'est le moment de la journée où je suis le plus opérationnelle. L'après-midi, je m'attelle aux corrections, je relance les rédac chefs, je fais des recherches sur Internet, enfin le genre de travail qui exige une concentration moins aiguë.
Parfois, quand un journal me commande un papier (jamais) ou quand j'ai une idée de sujet (rarement ; moins on bosse, moins on a envie de bosser, c'est la spirale infernale du chômage technique), je chausse mes tennis et pars en reportage. Ces sorties (à mes frais) se font donc exceptionnelles. Le disque dur de mon PC stocke déjà environ deux cents articles hyper originaux qui n'ont pas trouvé preneur. Ça devient lassant. Mon banquier trouve aussi.
En français, je suis pigiste ; en english, free lance.
Free lance est un joli terme issu de l'anglais médiéval et désignerait un chevalier indépendant de tout seigneur. Dans free lance, il y a free. Tout le monde m'envie ; je suis libre ! Je peux écrire ce que je veux, sur le sujet que je veux...
Viva la libertà. Que j'échangerais volontiers contre un CDI et des tickets resto.
La liberté, parfois, ça a comme un petit goût de disette.
Hier soir, après le journal télévisé, j'avais réglé mon réveil à 7 h 30, mais, comme d'habitude, je me suis réveillée avant son hurlement.
Sur ma nuisette, j'ai enfilé une robe de chambre en polaire, une paire de grosses chaussettes et mes chaussons lapin. On n'est qu'en novembre, mais ça commence à cailler. Un froid humide qui fait moisir les draps et vous transit toute la journée jusqu'à l'os. Les femmes sont plus frileuses que les hommes à cause de leur masse musculaire moins importante (ce sont les muscles qui produisent la chaleur). Je le sais, parce que j'ai fait un papier (toujours dans mon PC) sur les idées reçues homme/ femme et leurs fondements scientifiques. J'avais interviewé une professeure de l'hôpital Pompidou. Les femmes tiennent aussi moins bien l'alcool parce qu'elles ont plus de graisse... Tout ça, c'est la faute aux hormones, m'avait expliqué la professeure, une de ces femmes majuscules qui vous rendent fières de ne pas avoir de pénis, n'en déplaise à Mister Freud.
J'adore la def de "lexamètre quintilien : je ne savais pas ce que c'était ! Tu m'a donné très envie de découvrir cet écrivain contemporain ( moi aussi je les connais mal et je les affectionne pas particulièrement !)
RépondreSupprimerPour l'instant, tout ceux à qui j'en ai parlé ne connaissaient pas...Ses autres livres ne sont pas toujours faciles à trouver et surtout beaucoup font partie d'une série qui n'est plus éditée dans son intégralité, ce qui me perturbe toujours.
SupprimerJ'aime ce genre de romans à plusieurs voix dont le style narratif varie pour chaque narrateur. Et ton enthousiasme est communicatif ! Je note.
RépondreSupprimerC'est peut-être plus exactement le registre de langage que le style narratif qui varie. Je suis contente que tu sois tentée, je trouve que ce livre devrait être plus connu !
SupprimerJ'aime beaucoup les romans où s'entremêlent plusieurs voix.
RépondreSupprimerEt ton billet se révèle très convaincant :) Je note la référence et j'essaierai de le trouver lors de mes pérégrinations en bibliothèque ou librairie.
Je ne connaissais pas non plus ce terme d'hexamètre de Quintilien. Merci pour la découverte !
J'espère que tu auras l'occasion de le lire !
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