Avant-propos : C'était à la base une LC organisée par Adalana dont la date était prévue pour le 19 octobre. J'ai donc juste [disons-le pudiquement] un mois et demi de retard, mais j'ai réussi à être à jour pour la date de sortie du film !
Mon avis : On pourrait croire que si j'ai mis aussi longtemps [3 mois au total !], c'est parce que je n'ai pas aimé le livre. Mais non, c'est simplement qu'il demande une certaine dose de fraîcheur intellectuelle et du temps, 2 denrées dont j'ai manqué ces dernières semaines.
Comme beaucoup de roman éponyme, il est extrêmement mal nommé [puisque c'est quand même compliqué d'écrire un livre avec un seul personnage]. Certes on suit le destin d'Anna, mais pas uniquement. Et comme beaucoup de mes camarades de lectures, au final
ce n'est pas forcément Anna que j'ai le plus appréciée. Disons-le carrément, je l'ai parfois détestée. Au départ, pourtant je l'avais trouvée intéressante. Mais, son comportement tourne ensuite à une série de caprices et de décisions prises sans penser (sans vouloir assumer?) aux conséquences. Elle reste une énigme sur beaucoup de sujets. Par contre, la fin magistrale du roman la rend extrêmement touchante. En tout cas, qu'on l'aime ou qu'on la déteste, elle ne peut laisser personne indifférent.
Vronsky n'est pas non plus un personnage qui me séduise particulièrement. Mais, je trouve qu'il a parfois bien du courage de supporter Anna.
A l'opposé, j'ai trouvé l'attitude d’
Alexis Karénine extrêmement digne et j'ai plutôt été émue par ce personnage représentant le passé et qui n'arrive pas à s'adapter dans un monde qui évolue .
J'ai à l'instar des autres membres de la LC beaucoup apprécié le personnage de
Lévine. Philosophe sans être donneur de leçons, il ne cesse de s'interroger sur la vie et la société, sur la meilleure façon de tirer profit des ressources de la terre tout en préservant l'intégrité de ses biens, laissant de côté la spéculation. Tantôt moderne, tantôt archaïque, c'est un personnage complexe et fascinant. Aussi réfléchi soit-il, il perd tous ses moyens devant Kitty et montre le côté fragile de sa personnalité.
Je choisirai 1000 fois un Lévine à un Vronsky. Mais, j'ai été assez déçue par la raison qu'il trouve à la fin pour donner un sens à sa vie.
Kitty, quant à elle, m'a fait un peu l'effet contraire d'Anna.
Jeune écervelée à qui on donnerait facilement des coups d'éventail sur la tête au début du livre, elle se révèle au fil du roman, un personnage beaucoup plus sincère et moins creux que la première partie du livre ne laissait supposer.
J'ai aussi beaucoup aimé le côté charmeur d'
Oblonsky. Insouciant, n'ayant pas le sens des réalités, toujours optimiste, Oblonsky est parfois énervant, mais il est toujours présent pour rendre service à Anna, faire l’intermédiaire avec Karénine, tenter de reconquérir Dolly...
La grande force de Tolstoï est la
finesse de son analyse psychologique. Peintre du quotidien, il réussit à nous intéresser à tous les atermoiements de ces couples plus ou moins bien assortis.
Anna Karénine est une réflexion sur l'amour et la passion. Est-ce que les 2 sont totalement antagonistes? Est-ce que la passion doit être voyante, brûlante, égoïste, destructrice? Quelle est la meilleure preuve d'amour ? Le dire ? Le montrer ? Est-ce que cela signifie que l'on aime moins si on est plus discret ? Au travers l'itinéraire des 2 couples phares, on peut dire que Tolstoï a choisi son camp.
Mais s'il n'y avait que cela, le roman ne serait pas aussi fascinant.
Ce qui m'a particulièrement subjugée, c'est la description de la société russe. Le roman met bien en avant le fait que la Russie est à la croisée des chemins. Tolstoï décrit avec une virtuosité incroyable les mutations du pays dans le domaine agricole, mais surtout dans le domaine politique. J'ai adoré la description de la bureaucratie étouffante, des projets ridicules, Le summum est sans doute la narration de l'élection dans d'un gouverneur de campagne. Les tractations ridicules, les principes d'élections auxquels personnes ne comprend rien à part ceux qui tirent les ficelles, les mensonges : tout donne l'impression d'un archaïsme confondant alors que certains osent donner à cela le vernis de la modernité. D'ailleurs, le personnage [dont le nom m'échappe] qui analyse cette élection avec Lévine laisse transparaître le ridicule de la situation et évoque bien que la noblesse est une classe qui se meure. Depuis, nous savons ce qu'il s'est passé,
mais Tolstoï, lui, a réussi grâce à son incroyable esprit d'analyse à pressentir ce qui allait se passer.
J'ai quelques regrets (minimes) :
- certains passages sont looooooooooooooongs : les descriptions sur la meilleure façon de planter des trèfles [!], les passages sur la chasse à la bécasse [qui m'ont guérie d'une sévère insomnie ].
- je trouve que le livre 8 est de trop. Après le tourbillon d'émotions qu'a été la fin du livre 7, je n'ai pas trop apprécié les derniers passages.
En quelques mots : Roman d'une richesse incroyable, plongée dans une Russie en pleine mutation, Tolstoï livre une oeuvre exigeante, mais magistrale. D'ailleurs, on aurait envie d'en dire davantage et de connaître l'avis d'autres personnes sur certains points (que penser d'Anna au final?) mais malheureusement on ne peut pas le faire sans spoiler :(
Les billets de celles qui savent respecter les dates ;-)
: Adalana,
Arieste,
Philisine Cave,
Sandy,
Grignoteuse,
Malika
Merci à mes supportrices qui m'ont encouragée à finir ;-)
Adalana, je suis partante pour Guerre et Paix ! En commençant maintenant, je devrais être prête en juin ;-)